Shetland, Ecosse, 2011. Cette photo a été prise lors d’un de mes périples dans les contrées reculées de l’Écosse, plus précisément à la Pointe de Fethaland, dans les îles Shetland. C’était un jour d’hiver venteux où la lumière semblait se plier aux aléas du ciel, oscillant entre des éclaircies dorés et des nuages menaçantes. Sur une carte, j’avais jeté mon dévolu sur l’une des pointes nord des îles qui composent les Shetland. Les pointes ont toujours un aspect fascinant, une sensation de bout du monde où la terre s’arrête brutalement pour céder la place à l’immensité des océans. Ici face à l’Atlantique Nord, j’avais trouvé un paysage sauvage et isolé empreint d’histoire.
Autrefois, la Pointe de Fethaland était un endroit abritant l’une des plus importantes stations de pêche des Shetland, où les pêcheurs de haaf venaient chaque saison pour exploiter les eaux poissonneuses de l’Atlantique Nord. Aujourd'hui elle est un bout de terre où le temps semble s’arrêter face à un horizon sans fin. Au départ de Scalloway où je résidais, j’avais emprunté quelques routes sinueuses bordées d’une immensité ocre dépourvue de végétation. Puis j’avais stationné mon véhicule et marché quelques heures dans la tourbe écossaise. C’est en approchant de la Pointe qu’une caravane abandonnée est apparue, isolée et solitaire, face à un océan rude. Elle était là dans le silence, perturbée par le vent et les frémissements brutaux de la houle.
J’ai été captivé par la présence mélancolique de cette caravane blanche. Elle semblait presque incongrue au milieu de cette étendue sauvage. Elle était la présence humaine dans cette nature. Celle des ‘crofters’, ces fermiers isolés qui avaient installé ici un abri pour quelques pauses chaleureuses, le temps d’un thé chaud et de quelques conversations, dans la rudesse des Shetland.
Ce jour-là, la lumière était à la fois faible et incroyable. Le ciel était chargé de nuages, mais les rayons du soleil frayaient leur chemin, créant des zones de clarté intense qui accentuaient les couleurs de la terre et de la mer. Je suis longtemps resté face à cette immensité. J’espérais qu’un rayon de soleil dévoile toute la beauté de ce lieu. Cette lumière n’est jamais vraiment arrivée mais sa faible présence suffisait à dévoiler son atmosphère austère et magique. Ce contraste entre les tons chauds de la terre et le bleu froid de la mer donnait une profondeur particulière à la scène.
Cette photo symbolise pour moi la solitude et la force de la nature. Être isolé face à autant d’éléments naturels nourrit à la fois l’esprit et l’âme. C’est aussi pour ces moments que je fais de la photographie documentaire : découvrir, explorer, et comme ici témoigner de la puissance des éléments et de l’insignifiance de l’homme face à cette nature.
J’espère que cette image vous transportera un instant dans cet endroit sauvage.